ORIGINE de la FÊTE de la SURLE

 

          

   Le premier dimanche de Carême les villageois de Charmes se livrent à un jeu qui était très répandu dans plusieurs régions de France : La Surle.

 

             De nombreuses chartes du XIIème au XVème siècles montrent combien les jeux de la Sola, Soulla, Choulla, Soule, Choule, Surle se déroulaient toujours à des périodes de l’année bien précises : quelquefois à Noël ou à Pâques mais avec une prédilection pour le dimanche après Mardi-Gras, premier dimanche de Carême.

 

             Différentes étymologies ont été proposées pour ce terme de Soule, Choule, le terme islandais sull (la mêlée). Dans son livre Voyage autour de Crussol, Albin Mazon évoque le mot solea (la semelle) parce que l’on poussait le ballon avec la semelle du soulier ou bien le mot solde parce qu’il rappelle une certaine somme que payaient tous ceux qui se mariaient dans l’année et dont le total appartenait aux gens qui attrapaient la soule. Quant au mot Surle, Albin Mazon y voit une abréviation de « sur le leu » car dans le bas Vivarais, au début du XXème siècle, on appelait encore ley ou leu la petite boule qui sert de but dans le jeu de pétanque (le cochonnet). D’autres étymologistes ont mis la Soule en relation avec le soleil par le biais du mot celtique héaul ou sul.

 

             Le plus ancien document retrouvé remonte à l’année 1152. Au Moyen-Age, ce jeu était pratiqué dans de nombreuses provinces surtout au nord de la France : les Flandres, l’Artois, la Picardie, le vieux pays de l’Ile de France, la Normandie, la Bretagne, mais aussi les pays de Loire, le Poitou, l’Auvergne, la rive gauche du Rhône. L’Ecosse elle-même connaissait également ce jeu. La Soule (ou Surle) serait le pendant du tournoi des chevaliers pour la « piétaille ».

 

             Bien que, à l’origine, le jeu soit très codifié, certaines rencontres dégénéraient à l’image de ce qui se passe aujourd’hui dans certains matchs sportifs. C’était l’occasion pour les gens des villages voisins de venir assouvir des rancunes. La Soule (ou Surle) figure parmi les jeux défendus par une ordonnance de Charles V en 1369.

 

             Plus près de nous le jeu se pratiquait encore au XIXème siècle dans le pays de Vannes avec une brutalité primitive. M. Lecoeur raconte dans un ouvrage sur le Bocage Normand les terribles Soules de Saint-Pierre d’Entremont (Orne) où ce jeu fut interdit en 1852 non sans peine. On soulait encore dans plusieurs localités de l’Orne à la fin du XIXème siècle.

 

             Encore aujourd’hui il existe à Tricot un village de l’Oise un jeu de la Choulle ressemblant fort à la Surle de Charmes qui se déroule également le dimanche après mardi-gras, mais dans un laps de temps restreint de 17h à 18h, une heure avant le coucher du soleil.

 

             Ce jeu de la Surle aurait, de l’avis de spécialistes ethnologues, une valeur allégorique certaine : la balle représentant le soleil, le feu, la fécondité, le chêne vert et les jeunes mariés symbolisant la vie qui reprend et ne finira point.

 

              AUJOURD’HUI COMMENT SE DEROULE LA FETE A CHARMES ?

 

 

 

             Elle est organisée par le Comité des Fêtes en partenariat avec de nombreuses associations du village.

 

C’est avant tout la fête des nouveaux mariés, les novias. La semaine précédant la fête, les jeunes gens et jeunes filles qui se sont mariés pendant l’année, sont invités à venir participer à la fête.

 

             Un personnage incontournable se fait remarquer tout au long de ces journées. Carmentran, personnage de paille, aviné et grivois, objet de toutes les railleries qui s’exprime ouvertement envers le maire (autrefois le seigneur) en l’accablant d’insultes. On se plaît à dire qu’il représente l’idiot du village. Ce personnage est confectionné par un villageois.

 

             Le vendredi, la fête débute en fin d’après-midi. Les Compagnons de Charmes, accompagnés du Comité des Fêtes et des villageois plantent les rameaux : branches d’un chêne vert au feuillage persistant, fleuris par les enfants du Centre de Loisirs. Ces rameaux sont symbole de renouveau et de vigueur. Ils seront repris le dimanche pour accompagner les mariés au moment du défilé.

 

             Le samedi, le soir, les enfants porteurs de flambeaux et de lanternes vénitiennes parcourent les rues du village au son d’une fanfare rythmant le défilé. Comme cette fête traditionnelle s’accompagne d’une fête foraine, le défilé se termine vers les manèges où les enfants sont récompensés par un tour de manège. Pendant de nombreuses années, un bal populaire a clôturé cette journée.

 

             Le dimanche, le matin, une voiture fait le tour du village pour mobiliser les villageois au son de l’air de la Surle. A 14h un grand défilé, réunissant des fanfares, des associations sportives et culturelles, les enfants du village ainsi que des villageois costumés, s’étire à travers les rues du village accompagné de l’air de la Surle et présidé par Monsieur Carmentran (dont le nom vient vraisemblablement de la contraction de Carême-entrant) juché sur la Surlette.

 

             Le maire du village et le maire de la commune voisine de Saint-Georges-les-Bains ouvrent le défilé avec à leurs bras les jeunes mariées de l’année, leurs époux étant relégués en fin de cortège. C’est la manière actuelle de perpétuer le « droit de cuissage » qu’avaient, dit la légende, les seigneurs du lieu sur les jeunes mariées. Les baillis des ducs d’Uzès, jadis, menaient le cortège mais, depuis la Révolution Française, le maire les remplace.

 

             La foule arrive au pré où sont plantés les rameaux et où va s’engager le jeu de la balle que l’on nomme en patois « le leu ». Cette balle est de forme ovoïde, en cuir bourré de son, et tient bien dans la paume de la main.

 

             Pour le jeu, deux équipes se forment spontanément, à l’origine l’une était composée des époux et l’autre des garçons célibataires du village. Une des équipes est chargée de faire boire la balle, l’autre de l’en empêcher.

 

             Anciennement la balle devait être trempée dans la rivière du village (l’Embroye), actuellement dans un trou d’eau. La première balle est lancée par le maire au cri de « Surle ». Le premier jeu cesse lorsque la balle a bu, les participants ont droit à un généreux « canon » auprès d’une barrique installée sur une charrette. Ensuite, à tour de rôle les jeunes mariées lancent la balle et le jeu se poursuit car il y a autant de balles que de jeunes mariées. 

 

             L’air traditionnel de la Surle ponctue chaque victoire. Le jeu terminé les mariés sont invités par les maires pour une collation conviviale.

 

             Il y a quelques années, le lundi, se déroulait la même cérémonie avec le premier adjoint et une population plus locale, qui était appelée la journée des « cocus ».

 

             Le lundi, un repas traditionnel et convivial rassemble les villageois à la salle des fêtes de l'Oustaou. Le menu consiste actuellement en une salade de sardes (pommes de terre, œufs durs, anchois, vinaigrette), un plat de tripes et le traditionnel « Foujoux ».

 

A l’origine : - Les sardes étaient des petits poissons du Rhône conservés dans la saumure, comme aujourd’hui les anchois qui les ont remplacés.

 

La salade, où seuls les hommes étaient admis (!) était offerte par les cafetiers du village. Cette salade étant très épicée, ils se « rattrapaient » sur la consommation des boissons. La journée se terminait par un bal masqué avec concours de costumes. Le maire accordait une journée de congé exceptionnel au personnel de la mairie et aux enfants des écoles.

 

 

 

             Le mardi, après la sortie des classes, les enfants et les villageois se rassemblent autour de Carmentran qui est jugé par les Compagnons pour les troubles qu’il a occasionnés pendant la fête. Ce qui permet malicieusement, de faire allusion lors de sa sentence, aux différents travers du village et à l’occasion d’épingler quelques problèmes locaux, tout ceci bien sûr sous forme humoristique et bon enfant ! Les sentences prononcées, Carmentran est condamné à être brûlé sur la place du village et c’est ainsi que se termine la fête de la Surle.

 

                                                                                      

   Les Compagnons de Charmes 2024

 

SURLE 2020

PLANTATION DES RAMEAUX

Pourquoi ce rameau décoré ?

 

 

Les Celtes célébraient Imbolc en février, fête de la fécondité à la fin de l'hiver.

 

La Chandeleur l'a remplacée.

 

Ecoutons Paul Paya :

 <<  La Surle est la fête de l'espoir, de la vie, du soleil qui fait naître l'allégresse,

 

 les cris et les jeux  la veille de la Surle, les jeunes gens vont couper deux chênes-verts, symboles de la vie qui ne finit point.

C'est bien sûr sur la même colline sacrée où les Celtes nos aïeux allaient cueillir le gui  Les rameaux sont plantés au bas de la rue du Péage  Le dimanche le cortège s'organise, drapeaux entête, avec le charreton des rameaux poussé par les gamins, et se dirige vers le pré où les rameaux sont plantés bien droits  ››

 

 Puis Albin Mazon :

  «  La veille de la fête, on a planté deux grosses branches d'arbres munies de leur feuillage. Les mariés de l`année attendent le maire près de ces arbres symboliques…  puis l'arbre est planté dans le pré  ››

 

 Ecoutons aussi Luce Oberty :

  «  Il y a de la mythologie dans la Surle. Elle est païenne  Je pense que la fête de la Surle est une réminiscence celtique : la veille de la fête, les jeunes gens vont à la colline voisine couper un rameau de chêne-vert … et il est planté, comme au temps où le bailli d'Uzès, au temps où Géraud Bastet gouvernait Charmes,  au bas de la rue pavée qui mène à la Porte d'Embroye  ››

 

Dimanche après-midi pour perpétuer la tradition, ce rameau fera partie du déñlé et sera emporté vers le pré sur son charreton.

 

SURLE 2019 Jugement de Carmentran

Historique de la Surle

Vidéo Jean-Baptiste et Jean Claude FABRY